I. La place du Commando, à Saint-Nazaire, jusqu'en 2015...


>>> Accès à des galeries de photographies au bas de la page.

Un ensemble au cœur de la ville, et de la vie des Nazairiens

Jusqu’en 2015, l’ensemble commémoratif de l’opération Chariot était un ensemble cohérent de trois monuments ; c’était un ensemble esthétique, dans un écrin de verdure ; c’était un ensemble bien en vue, sur une place très fréquentée, et dans un environnement de qualité, sur le front de mer, lieu de promenade dominicale ; c’était un ensemble pérenne.

Et c’était justice ! En effet, Saint-Nazaire a compté durant la Seconde Guerre Mondiale par son chantier naval et par sa base maritime. Mais alors que les tentatives innombrables des Alliés de détruire la base sous-marine allemande ont anéanti les habitations environnantes sans atteindre leur cible, l'opération Chariot est parvenue à neutraliser l'objectif principal sans engendrer les mêmes destructions et les mêmes souffrances au sein de la population.

 

La place du Commando en 2014 (photo : Gardiens du Passé - Eklablog)

Accorder un espace particulier à ce raid avait donc une logique évidente pour ceux qui ont vécu ces événements.

Le plus grand raid de tous les temps

Le raid du 28 mars 1942 a marqué les Nazairiens, qui l'ont accueilli comme un signe d'espoir, et qui ont eu à en subir les conséquences, en raison de la panique des troupes allemandes suite à l'attaque des commandos britanniques. Il a également marqué les esprits au niveau national, par le sens du sacrifice des 611 marins et commandos engagés dans cette opération à très haut risque, et dont près des deux tiers ont été tués ou faits prisonniers. Ce raid, enfin, a eu un rôle stratégique, puisqu’il a empêché la marine allemande d'avoir sur la façade atlantique une base capable de réparer le cuirassé Tirpitz, comme effet de la destruction de la forme-écluse Joubert, utilisée pour la construction du paquebot Normandie ; par conséquent, il a paralysé l’action de cet énorme cuirassé et l’a notamment empêché de participer à la bataille de l’Atlantique autrement que comme une menace virtuelle.

Panneau explicatif de la forme-écluse Joubert (photo :  Ludovic Monnerat)

Il faut se représenter la situation stratégique de l'époque et l'état d'esprit qu'elle générait pour mieux mesurer l'importance de l'opération Chariot. En mars 1942, les forces de l'Axe dominaient tous les théâtres d'opérations majeurs de la Seconde Guerre Mondiale, et les Alliés étaient contraints à une défense parfois désespérée - dans le Pacifique, ravagé par les Japonais accumulant les victoires sur terre comme sur mer, dans les profondeurs des steppes russes sur lesquelles déferlaient les unités de la Wehrmacht, dans l'Atlantique, où les sous-marins allemands infligeaient des pertes renouvelées aux flottes marchandes alliées, ou encore en Afrique du Nord, dans laquelle s'ouvrait la campagne qui vaudra à Rommel son bâton de maréchal. Les coups d'arrêt de Midway, Stalingrad et El Alamein étaient encore loin, et guère imaginables.

Dans ce contexte, le coup de tonnerre de l'opération Chariot a montré que les Alliés - et notamment les Britanniques, accablés par la chute de Singapour, par la destruction du Prince of Wales et du Repulse, par leur repli précipité de Tripolitaine, par les bombardements incessants sur Malte - restaient capables de mener des actions offensives, de porter le feu sur les territoires occupés par les forces de l'Axe, et donc de changer le cours des événements. Le grand raid de Saint-Nazaire a redonné de l'espoir à des populations qui en avaient bien besoin. Il occupe une place particulière dans l'histoire militaire.

Les éléments du souvenir

L'opération Chariot a fait l'objet de commémorations dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. La place du Commando a été aménagée à Saint-Nazaire dans le sens du souvenir. Un menhir a été érigé, en direction du large, avec deux plaques métalliques, dont l'une avec les noms de tous les militaires britanniques et tous les civils français tués durant le raid. Le canon du destroyer HMS Campbeltown a été également fixé à cet endroit, enchâssé dans un majestueux socle de granit. Un troisième monument, avoisinant les deux premiers, commémorait le naufrage du Lancastria en 1940, en un lieu donc pleinement consacré à la mémoire d'événements tragiques et importants.

Le choix de l'unique canon du navire britannique sacrifié dans l'opération était particulièrement heureux : cette pièce de métal, gauchie par l'explosion gigantesque qui marqua le succès de l'opération, symbolise à la fois l'innovation et l'engagement qui ont caractérisé Chariot. Il a fallu beaucoup d'ingéniosité pour transformer un vieux destroyer construit aux États-Unis en une bombe flottante guidée, camouflée en torpilleur allemand, mais aussi un sens du sacrifice hors du commun, à la mesure des pertes immenses prévues lors de la planification de l'opération. La haute probabilité de ne jamais revenir du raid n'a pas dissuadé ses acteurs, bien au contraire.

La disposition des pièces commémoratives de Chariot près de la plage, sur une place agréable et sillonnée par de nombreux passants, était aussi symbolique : elle rappelait l'héroïsme au quotidien, elle témoignait de façon simple et poignante des événements dramatiques que Saint-Nazaire a connus, qui ont formé son histoire, et qui méritent d'être rappelés. C'était l'Histoire présente et accessible, avec la paix que donne le recul du temps, sans pour autant gêner les activités récréatives ou économiques du lieu.

 

Le canon du Campbeltown sur la place du Commando (photo : Lutz Pietschker)

Galeries de photographies

1) Le canon du Campbeltown : voir ICI


2) Le menhir et ses stèles commémoratives : voir ICI


3) Le monument rappelant le naufrage du Lancastria : voir ICI


4) L’ensemble monumental dans son environnement, au fil des saisons et des commémorations : voir ICI

 
Page suivante (II. Les commémorations sur l’ancienne place du Commando), voir ICI
[page en construction]