La version publiée dans la RIHM n° 82 (2002) – et reproduite sur Internet ICI –, transcrite par la rédaction de la revue d’après l’original du SHD transmis par mes soins, est très fautive. (passages où le sens même est perverti par rapport à l’original, outre les erreurs dans la transcription de la grammaire et les confusions de termes et de chiffres. Il y a d’autre part quelques endroits où N. Hacquebart-D. a mis, dans la RIHM, « […] », parce qu’il n’a pas réussi à deviner un mot. Ces mots sont en fait faciles à deviner ; je les ai bien sûr restitués dans ma transcription.)


Voici ci-dessous une transcription exacte.

==> Choix de l’orthographe d’époque. si parfois, les terminaisons sont en « -oit » et parfois en « -ait », c’est que l’auteur lui-même a oscillé entre les deux.

 

Voici, ci-dessous, un des exemples les plus flagrants de passages où le sens même est perverti par rapport à l’original, outre les erreurs dans la transcription de la grammaire et les confusions de termes (et de chiffres !).

1. Passage tiré de la RIHM n° 82

(p. 321) :

« Qu’il songe qu’il est responsable du malheur de ses semblables, et des événements fâcheux pour le bien du service qui sont la suite inévitable de la licence et du désordre, qu’au contraire, l’humanité et la discipline, si elle ne mène pas toujours au succès, éloigne au moins bien certainement, tout ce qui peut y nuire. Ici trouvera sa place une anecdote, qu’à titre d’exemple, je me permettrai de citer pour venir à l’appui de cette assertion de 1759. Je fus détaché sur levées avec 30 000 hommes d’infanterie et autant de cavalerie obligée de reposer et faire rafraîchir ma troupe très fatiguée d’une marche longue et pénible par des chemins et un temps affreux ; j’entrais à la nuit dans une ferme isolée appartenant à un anabaptiste. Selon un principe ordinaire, je commandais la discipline la plus exacte dans cette maison et demandais au maître de me fournir, le payant, seulement ce dont nous avions strictement besoin. […] »

2. Passage tiré du manuscrit du baron du Portal

(SHD-DAT, 1M 1718, selon la nouvelle transcription faite par moi-même) :

« Qu’il songe qu’il est responsable du malheur de ses semblables, et des événemens facheûx pour le bien du service qui sont la suitte inévitable de la licence et du désordre ; [p. 13] qu’au contraire, l’humanité et la discipline, si elles ne menent pas toujours au succès, eloignent au moins, bien certainement, tout ce qui peût y nuire. Icy trouvera sa place une anecdote, qu’à titre d’exemple, je me permettray de citer pour venir à l’appuy de cette assertion. En 1759, je fus détaché sur le Véser avec 30 hommes d’infanterie et autant de cavallerie. Obligé de reposer et faire rafraichir ma trouppe très fatiguée d’une marche longue et pénible par des chemins et un tems affreux ; j’entrai a la nuit dans une ferme isolée appartenante [sic] à un anabaptiste. Selon mes principes ordinaires, je commandai la discipline la plus exacte dans cette maison et demandai au maitre de me fournir, en payant, seulement ce dont nous avions strictement besoin. […] »

 

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[p. 1]

 

Préceptes Généraux

sur la Petite Guerre, ou Manuel

de l’officier de troupes légères

 

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Par le Baron du Portal Colonel

attaché au corps des dragons.

 

Le 5 juillet 1789.

 

 [p. 3]

 

Préceptes Généraux sur la petite guerre ou

Manuel de l’officier de troupes légères

 

Préface

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Il n’existe certainement dans l’Eûrope entière, aucune nation qui joigne à autant de valeur plus d’intelligence et d’activité que la nation française. Aussi sous ces rapports, est-elle plus propre que toute autre au service des troupes légères, qui éxige la réunion assés rare de toutes ces qualités. Un préjugé aussi facheûx qu’injuste avoit longtems contraint le gout naturel de la jeune noblesse pour un métier où les occasions d’acquerir de la gloire se presentant plus fréquament, avoit par là même, des droits assurés a sa préférence. Feu M. le Marquis de Conflans a le 1er senti que tout espece de service militaire ne peut qu’honorer celui qui s’y dévoûe ; ou si d’autres avoient pensé comme lui, au moins est-il le premier a qui l’on ait l’obligation d’avoir osé donner l’exemple, en dépit de l’opinion alors trop généralement adoptée, en quittant le commandement du Régiment d’Orléans Cavallerie, pour prendre celui du [p. 4] corps de Fischer devenu ensuite Légion de son nom. Cet éxemple a depuis été suivi par beaucoup de gens de qualité, et actuellement qu’on a reconnû la nécéssité d’augmenter le nombre de nos troupes légères, il est peu de jeunes gens qui ne désirent y être employés.

 

L’étude particuliere que j’ai fait de ce service pendant la derniere guerre d’Allemagne, s’est mûrie par l’expérience et la réfléxion. Les leçons, et surtout la conduite de M. le Marquis de Conflans sous qui je me fais gloire d’avoir servi, et aux grands talens duquel il n’est pas un bon militaire dans l’armée, qui en gémissant sur sa perte, ne rende un hommage sincère et mérité ; m’ont mis à même de connoître les bons principes, et tous les détails de la petite guerre. Je désire que le Résumé que j’en offre aux jeunes militaires pour qui j’ai écrit, puisse un jour devenir util au service du Roy, et a leur propre gloire.

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 [p. 5]

Preceptes généraux sur la petite guerre,

ou Manuel de l’officier de troupes légères

 

 

 

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De tous les genres de services militaires, celui des troupes légères est sans doute, un des plus difficiles, et qui éxige le plus de qualités. L’officier, dans quelque grade qu’il soit, souvent détaché de son corps pour remplir des missions délicates et périlleuses, ni [sic] parviendrait pas toujours, s’il se bornait a suivre littérallement les instructions qu’il a reçû de ses chefs. Des circonstances qu’ils n’avoient pû prévoir, peuvent le réduire a la nécessité de changer la conduite qui lui a été prescritte ; et c’est alors qu’il doit trouver dans ses propres moyens de quoi suppléer aux ordres qui lui ont été donnés. Il est donc nécéssaire qu’un officier de troupes légères soit prudent, vigilant, et actif ; avec toutes ces qualités, il sera difficilement surpris, et saura toujours choisir le parti le plus convenable a sa position, telle épineuse qu’elle puisse être.

 

Il faut dans ce service, non seulement renoncer a toutes les aisances qu’un officier des trouppes reglées peut sans inconveniens, se permettre ; mais [p. 6] sçavoir encore supporter les privations les plus sensibles, ce qui nécessite une excellente et très robuste constitution.

         Avec de la jeunesse, et du zèle, on s’accoutume insensiblement à cette maniere de vivre ; et d’ailleurs si l’on a des peines, combien n’en est-on pas dédommagé par les occasions fréquentes d’acquerir de la gloire ? Car enfin il n’est pas d’individû parmi les officiers d’un corps de trouppes légères, qui ne se trouve souvent a même de faire remarquer sa bonne conduite dans les differens détachemens qui lui sont confiés. Chose bien moins fréquament possible dans les troupes de ligne. Cette facilité doit inspirer a tout officier de cavallerie légère où [sic] de chasseurs le désir de pouvoir en tirer un parti avantageux pour le bien du service et pour son amour propre ; mais pour y parvenir il est essentiel qu’il acquiere les connoissances de son état sans lesquèlles le plus grand zèle et la plus brillante valeur ne lui vaudroient jamais que de faibles succès.

L’Allemagne étant le théatre naturel de nos [p. 7] guerres de terre, un officier qui se destine au service des troupes légères ne peut se dispenser d’en parler assez bien la langue pour pouvoir s’instruire par lui-même de tout ce qui lui est nécessaire de sçavoir, sans être obligé d’employer pour l’apprendre, le ministere d’un interprete peut [sic] intelligent, souvent même, infidel ; il doit avoir une connaissance exacte du paÿs dans lequel il se trouve jusques dans ses moindres détails. Chemins, sentiers, forêts, montagnes, villes, villages, chateaux, fermes, rivieres, ruisseaux, ravins ; enfin rien ne doit être oublié dans l’examen du local, parce que tout peut devenir util, soit en marchant à l’ennemi, soit dans une retraite. Un général tire parti d’un grand terrein qui lui paroit propre a disposer avantageusement son armée ; un officier de trouppes légères peût de la même maniere, quoique dans une autre proportion, se servir utilement des sinuosités de la position qu’il occupe. C’est pourquoi, je voudrais que celui qui marcherait avec [p. 8] un détachement, non seulement connût par sa carte, le paÿs qu’il va parcourir ; mais qu’à mesure qu’il avance il fit ses remarques sur les endroits qui lui sembleroient pouvoir lui offrir des ressources en cas d’attaque imprevüe  où [sic] de retraite ; car dans ce métier il faut toujours agir comme si le danger étoit present où [sic] très prochain. La securité n’i [sic] doit jamais èxister. C’est un ennemi bien plus dangereux que tous ceux qu’on va combattre.

 

L’on voit par tout ce que je viens de dire combien il est essentiel au service des trouppes légères de savoir l’allemand et assés de dessein [sic] pour pouvoir tout en cheminant, tracer sur le papier les details d’un local qui dans un autre moment peuvent devenir interessants pour celui qui mene une troupe a la guerre. Il resulte, d’ailleurs, un très grand avantage de cette maniere d’employer le tems des marches : c’est de s’inculquer successivement l’idée précise et nette de toutes les parties du paÿs où l’on fait la campagne et de n’y être plus étranger lorsqu’on y revient.

 

 

[p. 9]

Des détachemens

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Les détachemens ont differens objets ; les uns sont envoyés pour avoir des nouvelles de l’ennemi, reconnoître sa position, et sa force, et après avoir rempli cette tâche, revenir autant que possible, sans avoir combattu, rendre un compte exact de leur mission. Les autres ont en vüe de déloger l’ennemi d’une position d’où il peut nuire, où [sic] simplement de l’y inquiéter sans engager de combat. Dans tous les cas, l’officier qui est détaché doit se faire la loy la plus sévère de ne rien communiquer de ses instructions ni de ses projets ; la moindre indiscretion à cet egard, pouvant avoir les suittes les plus facheûses.

 

Il faut qu’il ait l’attention de se pourvoir de bons guîdes, de les faire soigneusement observer, de ne pas souffrir qu’ils s’eloignent ; et selon l’espace qu’il a à parcourir, qu’il en change, ou en ajoute de nouveaux aux premiers sans renvoyer ceux là, lorsqu’il prévoit du danger a le faire. Il doit aussi, quelques fois, éviter la ligne directe qui conduit au point ou il veut arriver, et y préférer un détour, pour donner le change [p. 10] aux habitans des lieux où il passe sur la vraie déstination ; parce qu’ils pourroient en éclairant sa marche, avertir l’ennemi, et faire echoüer ses projets.

 

Une des choses les plus essentielles a la petite guerre c’est, en marche, d’eclairer toujours du côté de l’ennemi et sur ses flancs. Avec ces précautions on évite facilement les embuscades, et l’on a toujours le tems de se préparer à l’événement qui des [sic] qu’il est prevû, ne peut jamais devenir aussi facheûx. Tel faible que soit un détachement, on à [sic] toujours des moyens proportionnés pour se garantir d’être pris au dépourvû. Ce métier vraiment attrayant pour l’homme qui a de l’intelligence, et l’ambition bien entendüe de travailler pour sa gloire en remplissant d’une maniere distinguée tous les devoirs de son état, demande beaucoup de finesse. Le partisan est le renard de l’armée ; il doit en avoir la vigilance et la ruse. Ces qualitées étayées de la connoissance parfaite des principes de son service, peuvent lui acquerir cètte prépondérance a laquèlle il doit sans doute, aspirer. 

 

Dans bien des cas, un petit corps a sur un grand beaucoup d’avantages, en ce que d’abord, comme il marque [p. 11] moins, il n’inquiète pas autant l’ennemi s’il en prend connoissance, qu’il passe partout, au besoin se cache partout, et se dérobe plus facilement lorsqu’il doit faire sa retraite. J’ai souvent vû a la guerre des détachemens de 50, 40, où [sic] même, 30 hommes, faire ce qu’une troupe plus forte n’auroit jamais ôsé entréprendre et rester quelques fois fort longtems dans un éloignement considerable de l’armée et de leur corps, abbandonnés a leurs propres moÿens, souvent même sur les dérrieres de l’armée ènnemie, interceptant, où [sic] inquiétant tout ce qui croyait pouvoir y arriver avec sécurité. Voila les cas où un officier peût tirer un grand parti de son intelligence, et se faire infiniment d’honneur. Mais c’est alors aussi que la plus grande vigilance devient nécessaire et qu’il est important de n’habiter le jour où [sic] la nuit ni vilage, ni maison, ni endroit fermé quelconque. Des bois, des taillis, placés a portée des communications, doivent pendant le jour servir d’azile. Pendant la nuit, on bât la campagne et l’on se pourvoit de tout ce qui est nécessaire a la subsistance de la troupe pour les vingt quatre heures.

 

On finit quelques fois, par être découvert ; mais des qu’on en a la moindre notion, il faut faire sa retraite, toujours avec les mêmes précautions, c’est-à-dire en observant [p. 12] de se montrer le moins possible, tant qu’on peût être éclairé, et de ne pas suivre au retour, le même chemin qu’on avait pris pour venir, a moins qu’il n’y ait impossibilité bien demontrée de pouvoir faire autrement. Il faut particulierement dans ces genres de détachemens, exiger l’observation de la plus exacte discipline ; faire sentir au soldat, qu’en s’en écartant, il expose nécessairement son salût ; ménager beaucoup le paÿsan auquel on a à faire [sic] afin de ne pas, en l’indisposant, le mettre dans le cas de s’armer contre vous. La douceur et l’honneteté réussissent partout ; mais l’on doit, surtout, les employer a la guerre. Ceux qui en habitent le théatre ne sont-ils pas déjà assés a plaindre, sans devenir encore les victimes de la cupidité et de l’insolence du soldat ! Le bon ordre dépend toujours de celui qui commande. Il est très répréhensible lorsqu’il souffre qu’on s’en écarte. Qu’il songe qu’il est responsable du malheur de ses semblables, et des événemens facheûx pour le bien du service qui sont la suitte inévitable de la licence et du désordre ; [p. 13] qu’au contraire, l’humanité et la discipline, si elles ne menent pas toujours au succès, eloignent au moins, bien certainement, tout ce qui peût y nuire. Icy trouvera sa place une anecdote, qu’à titre d’exemple, je me permettray de citer pour venir à l’appuy de cette assertion. En 1759, je fus détaché sur le Véser avec 30 hommes d’infanterie et autant de cavallerie. Obligé de reposer et faire rafraichir ma trouppe très fatiguée d’une marche longue et pénible par des chemins et un tems affreux ; j’entrai a la nuit dans une ferme isolée appartenante [sic] à un anabaptiste. Selon mes principes ordinaires, je commandai la discipline la plus exacte dans cette maison et demandai au maitre de me fournir, en payant, seulement ce dont nous avions strictement besoin. Je veillai moi-même à l’observation du bon ordre. Ensuite, après avoir mangé un morceau, en attendant la rentrée de deux patrouilles que j’avais laissées déhors, et qui devoient être relevées par d’autres, dès que les hommes et les chevaux se seroient rafraichis ; je me jettai sur de la paille dans une chambre basse de la ferme ; (il étoit alors dix heures) et a peine en avais-je dormi une et demie que le bonhomme entrât [sic] et me réveillat. [p. 14] Surpris de le voir seul devant moy, je crus d’abord qu’il venoit me porter quelques plaintes contre l’infraction de mes ordres, quoiqu’un des autres officiers du détachement fut chargé du soin de les faire observer. Mais je fus fort étonné lorsque l’anabaptiste me parlat à peû près ainsy : « Jeune homme ! Tu es honnête, tout le prouve icy ; tu mérites qu’on le soit a ton égard. Je vais te révéller un secret dont dépend ta vie ou ta liberté ; mais si tu trahis ma confiance, tu me perds, moi qui veux te sauver ; et tu te perds toi-même en suspectant mes avis. Je suis prevenû qu’on a trouvé ta piste ; avant une demie heure un détachement de nos troupes bien plus fort que le tien, va t’assaillir. Décides-toy, tu n’a [sic] pas de tems a perdre… ». Et puis il me quittat brusquement sans vouloir accepter le prix de ce qu’il nous avoit fourni. Mon parti ne fut pas difficile a prendre ; une seule réflexion m’éclaira sur le dégré de confiance que je devais à l’avis de l’honnête fermier. J’avais fait respecter l’hospitalité dans sa maison ; pouvoit-il vouloir me tromper ! Je fis donc sur le champ mes dispositions pour la quitter. Quelques momens après arriverent très [p. 15] vite mes patrouilles qui éffectivement avoient eû vent de l’ennemi, et je fis ma retraite sans accidens a l’application. Cet homme eût-il pour me sauver, risqué tout pour lui-même, si j’eûsse souffert le désordre chez lui ? Je crois que la reconnoissance est de tous les paÿs, de toutes les sèctes, et de tous les états, parce que la justice et le bienfait ont des droits sur tous les hommes. Le sentiment de l’humanité est inséparable de celuy de l’honneur ; ainsi l’un et l’autre sont l’appanage de l’officier français. Malheur a celui qui n’écouteroit pas leurs voix ! Mais s’il en existait un seul dans l’armée du Roi, je lui dirais : faites au moins pour vôtre propre sureté ce que vous ne feriés pas pour le bonheur des autres. Il peut arriver qu’un détachement allant a la guerre, quelques sages précautions qu’il ait prises, soit attaqué dans sa marche par un autre détachement plus fort, qu’il rencontre. Il faut alors que le commandant s’empare du terrein a sa portée qu’il reconnoitra le plus propre par sa situation à faciliter sa déffense, et qu’il cherche à suppléer, par l’avantage de sa position, a l’inégalité des forces ; si au contraire l’ennemi est visiblement plus faible où [sic] a peû près égal en nombre, on doit sans hésiter [p. 16] l’attaquer le premier. J’ai prèsque toujours vû que celui qui porte les premiers coups a son ennemi, sans lui donner le tems de se reconnoître, a sur lui un grand avantage ; la nuit, surtout, où l’obscurité ajoutant a la terreur, multiplie dans l’imagination du soldat les forces de celui qui l’attaque. Ce n’est pourtant là qu’un principe général que la prudence doit modifier selon les circonstances. 

 

Il faut lorsqu’on marche la nuit faire observer le plus profond silence, et si c’est avec de l’infanterie, éviter le féraillement des bayonnettes qui s’entend de fort loin ; si l’on a de la cavallerie, le bruit du piétinement des chevaux et leur hénissement, sont inévitables et couvrent celui que ferait en marchant un autre détachement qui s’approcherait. Il est alors prudent de faire souvent halte, afin de pouvoir entendre ce qui pourroit venir. Toutes ces précautions qui paraissent minutieuses, au premier aspect, deviennent pourtant essentielles pour éviter d’être attaqué avant d’avoir pû faire des dispositions ; on ne marche pas toujours sur un terrein qui permette le dévéloppement nécessaire. Souvent c’est dans un chemin creûx, où [sic] fort inégal, dans un défilé étroit, un sentier où l’on ne peut passer qu’homme par homme. Comment donc se former pour combattre ? Le pourroit-on dans un [p. 17] moment où la surprise absorberoit les moÿens de le faire, si même ils èxistoient a portée de soy ? On m’objectera, sans doute, qu’un détachement tel qu’il soit, le jour comme la nuit, ne doit jamais marcher sans avant garde ; mais ne peut-il pas arriver que cette troupe qui précède soit coupée d’avec le détachement qui la suit ; où [sic] que l’ennemi venant par un autre chemin, elle ne s’apperçoive ou ne l’entende pas ? Il faut donc prevoir ce qu’il est possible de craindre, et s’en garantir par tous les moÿens que la prudence peut suggérer.

 

 

 

Des attaques des postes

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Un détachement envoyé à l’attaque d’un poste est toujours d’une force proportionnée à celle de l’ennemi qui l’occupe, à ses moÿens naturels ou suppléés de défense, à l’importance qu’on attache a s’en rendre maitre, et au tems qu’on y peut employer. Ainsi l’officier chargé de l’expédition, où [sic] celui qui l’y destine, doit avant que de rien entreprendre, en peser mûrement tous les [p. 18] détails, s’il ne veût risquer d’échoûer après avoir fait des sacrifices facheûx, perdu inutilement un tems toujours précieûx a la guèrre et des hommes encore plus précieûx à l’État. 

 

On n’a vû que trop soûvent de telles opérations légèrement combinées, manquées dans leur éxécution, soit par le défaut du choix des moÿens, soit par une trop grande précipitation dans leur employ. C’est donc ce qu’il faut s’attacher à éviter, en prenant toutes les mesures que la prudence et l’expérience peuvent indiquer. Toute position a la guèrre peut devenir plus ou moins importante et difficile à attaquer, où [sic] par sa nature, où par la maniere dont on s’y sera retranché. Une hauteur, un bois, un village, un cimetiere, une maison, un enclos, sont autant de postes qu’on peût défendre. Avec du courage, et de l’art, on tire parti de toutes les positions, du plus au moins ; et les règles générales pour les attaquer sont toujours à peu près les mêmes. Examiner d’abord les endroits par où le poste peut être sécourû, et en couper les communications, ainsi que celles de retraite ; connoître les parties faibles, et celles par lesquelles il est suscèptible d’être tourné ; operer des diversions heureûses par de fausses attaques, et [p. 19] porter alors avec la plus grande célérité sur le vrai point d’attaque, le corps destiné à l’emporter. Avoir en reserve des troupes fraiches toujours prêtes à relever ou seconder celles que la fatigue auroit affaiblies où [sic] dont le nombre ne seroit pas suffisant. Mais si malgré la valeur, et  la constance de ces trouppes, on étoit fondé à douter du succès, il faudroit y renoncer pour le moment. Dans ce cas, l’obstination d’un chef ne produit le plus souvent que le découragement et rebute les soldats qui l’accusent (quelques fois malheureusement, avec raison) de les sacrifier à son amour propre. Il est injuste et barbare d’exiger d’eux plus qu’ils ne peuvent faire. Soyons bien persuadé que ces hommes raisonnent, et que les Français, surtout avec l’ardeur et le courage qui les caractérisent, manquent rarement par leur faute, le poste dont il est physiquement possible qu’ils s’emparent.

 

Quant aux maisons, églises, et cimetieres où l’ennemi s’enferme, se baricade [sic] ou se retranche dans un bourg où [sic] un village ; il faut commencer par s’établir dans une où plusieurs maisons très voisines, et qui, s’il est possible, dominent le poste, d’où une [p. 20] partie du détachement pourra plus a couvert, l’incommoder par son feû, tandis que le reste marchera pour forcer les barricades où retranchemens, en observant de défiler en haÿe des deux côtés de la rüe qui aboutit à l’attaque pour ne pas trop exposer les trouppes au feû du poste en presentant le massif d’une colonne. A mesure qu’elles arriveront a portée, on les formera, et immediatement elles attaqueront. Pendant ce tems, ceux qui se sont établis dans les batimens du voisinage redoubleront leur feû pour occuper l’ennemi, et faire diversion au sien. Si la maison, le cimetiere, où l’église rétranchés sont isolés ; il faut employer les règles prescrittes au commencement de ce chapitre pour les attaques de postes en pleine campagne. Comme un détachement un peû considérable ne marche guèrre sans canon ; cette arme abrège la besogne. Les moÿens de dèstruction d’ailleurs, se multiplient toujours assés naturellement en raison de la résistence qu’on éprouve, et des obstacles que l’on a à vaincre.  

[p. 21]

Des déffenses de postes

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Un officier envoyé pour garder un poste doit en s’y établissant en bien connoître toutes les avenûes et les endroits faibles, afin de pourvoir à leur déffense par des travaux. C’est pourquoi il seroit a désirer que tout officier de troupes légères eût fait un cours de géométrie pratique et de fortifications de campagne. Je crois qu’on pourroit encore exiger ce genre d’instruction comme très nécessaire, des jeunes gens qui se destinent a servir dans nos régiments ou bataillons de chasseurs. On ne sçauroit trop multiplier les moÿens d’épargner les hommes. Ceux des trouppes légères sont d’autant plus précieux que le tems et l’expérience seuls peûvent les former à la fatigue et aux dificultés [sic] de leur état. Un simple hussard, ou chasseur, à son rang, ou par son mérite, devient bas officier, et dans ce grade il est déjà un homme essentiel, puisque c’est souvent sa conduite dans une patrouille où [sic] un pétit détachement, qui détermine celle du corps dont il fait partie. C’est aussi [p. 22] cette réfléxion qui doit dans les troupes légères, rendre très dificil [sic] sur le choix des bas officiers.

 

Le poste autant fortifié que le terrein, le tems et les moyens le permèttent ; l’officier qui y commande aura grand soin de s’éclairer par de fréquentes patrouilles du côté de l’ennemi, et d’entretenir libres, ses communications avec le corps dont il est détaché. Ses instructions lui prescrivent ce qu’il doit faire en cas d’attaque. Il ne peut sans compromèttre son honneur, et devenir indigne de servir le Roy, négliger aucun des moÿens qui sont en son pouvoir pour prolonger sa déffense, à moins que ses ordres ne fixent le dégré de la resistence qu’il doit opposer aux efforts de l’ennemi, et le moment de sa retraite, si elle est possible, où de sa rédition [sic] si l’on ne juge pas a propos de le sécourir, ce qui arrive quelques fois.

 

Quelques fois aussi, quoiqu’on soit prevenû ne devoir compter sur aucuns secours, il est très expréssement deffendu de se retirer où de capituler. C’est sans doute, une des plus facheuses circonstances de la guèrre ; mais il faut s’y soumettre avec cette courageuse résignation que l’honneur inspire et [p. 23] exige, et vendre cher sa vie, où sa liberté aux vainqueurs, si l’on est le plus faible. Rarement on abuse de la supériorité de ses forces avec un ennemi qui par sa valeur a mérité nos égards, parce qu’il s’est acquis nôtre estime. Ces tems de férocité n’existent plus ; ainsi dans tous les cas on gagne toujours beaucoup a bien faire son devoir. Le militaire mort avec honneur en défendant sa patrie et les interêts de son Roy, peut-il compter pour rien sa réputation qui lui survit ? La réponse est dans le cœur de tous les Français. L’honneur et nôtre amour pour nos souverains firent et feront toujours la gloire et la force de nôtre nation. On pourra peut-être nous battre quelques fois ; mais on ne nous vaincra jamais.

 

[p. 24]

Des surprises de postes

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Si l’officier qui commande dans un poste sçait son métier, que ses patrouilles fassent exactement leur service, que leur déstination soit bien indiquée et leurs instructions clairement expliquées ; qu’elles se succèdent sans interuption [sic] jours et nuits, de manière qu’avant l’heure où l’on a calculé la rentrée dé [sic] l’une d’elle, une autre soit envoyée dans la même direction, afin que les déhors, aussi loin que les circonstances l’exigent, ne soient jamais sans être éclairées, que les postes avancés soient bien placés et toujours alertes, et que le gros du détachement soit incessament prèt à agir ; il est presqu’impossible d’être, ce qu’on peût appeler, surpris. Mais il faut que le commandant soit lui même très actif et veille constamment a l’execution de ses ordres. Cependant, il peut encore arriver quelques fois, que malgré toutes ces précautions, on soit attaqué sans en être prevenû ; et voici comment.

 

Les patrouilles, et autres petits détachemens qui battent la campagne peuvent être interceptés ; où après en avoir courû le risque, avoir été forcés, pour [p. 25] l’éviter, de faire, en se retirant sur leur corps, un assés grand détour pour donner à l’ennemi le tems de les y précéder. Cet ennemi en force arrivant avec rapidité sur les postes avancés, les replie, les culbute, et souvent même les prend. Cela ne se fait jamais, a la verité, sans que le poste principal n’en soit averti par le bruit de la mousqueterie. Mais l’ennemi arrivant toujours aussi vîte qu’il peût aller, il est dificil d’éviter le desordre et la confusion dans la retraite. Je parle ici surtout, d’un poste ouvert qu’on n’occupe que momentanement, comme un bourg, un village, une ferme. Si c’est un bourg, où un village, il faut en s’y installant loger sa trouppe par compagnies où piquêts avec leurs officiers, et avoir soin de former des barricades avec des chariots, des tonnaux [sic], du fumier, du bois, des pierres etc., aux débouchés par où l’ennemi peut arriver. De cette maniere vous arreterés sa marche assés longtems pour avoir celui de préparer vôtre retraite ; les compagnies, ou piquets se forment en sortant des maisons qu’elles occupent, et en [p. 26] se repliant successivement l’une sur l’autre, forment un corps en état de s’opposer aux progrès de celui qui l’attaque, et de rejoindre en se battant le reste des troupes, soit logées, soit bivaquées qui se retirent.

 

Dans un bourg où village, l’infanterie seule doit être logée, et la cavallerie toujours au bivouac, a moins que la certitude d’un grand éloignement de l’ennemi ne lui laisse à cet égard une sécurité, qu’encore je ne conseillerai jamais. Les chevaux ne seront jamais déssellés que successivement, et seulement autant de tems qu’il en faut pour étriller. Que pendant qu’une moitié mange, l’autre soit bridée ; ce n’est que par la plus exacte observation de ces principes qu’on peut eviter les surprises où au moins, en diminuer les inconvéniens et les suittes.

 

Le moment de l’entrée de la nuit et celui qui precede le jour sont ordinairement ceux qu’on choisit pour tenter un coup de main. C’est donc alors que le chef et ses officiers doivent veiller a ce que personne ne s’écarte, et que tout le monde soit pret au premier ordre où signal. 

 

[p. 27] Il ne faut pas oublier une précaution : c’est lorsqu’on arrive dans un quartier, ne fut-ce que pour s’y rafraichir quelques heures ; de se choisir une position a portée, la plus propre a se former en bataille pour y attendre l’ennemi avec avantage, si on le juge a propos, ou ne s’en servir que comme d’un point de ralliement d’ou l’on executera sa retraite. Ce terrein sera indiqué a l’ordre, afin qu’en cas d’allarme les officiers, et bas officiers sachent devoir y conduire leurs trouppes. 

 

Je crois n’avoir rien obmis de l’ordre nécessaire a observer pour se garantir des surprises. Pour en effectuer, je ne connais d’autre règle que de savoir mettre à proffit [sic] l’insurveillance de son ennemi ; si l’on s’apperçoit qu’il soit vigilant sous tous les rapports ; il est alors inutil de tenter de le surprendre.  

[p. 28]

Contributions en argent où en nature, comme

vivres, grains, et fourrages, etc.

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De tous les détachemens employés à la guerre, il n’en est certainement pas de plus facheûx par son objet, que celui ordonné pour lever des contributions, soit en argent, soit en nature. Il repugne toujours beaucoup d’être chargé d’aller affliger des gens qui dans le vrai n’ont d’autres torts que d’être nés les sujets d’une Puissance avec laquèlle on s’est brouillé, souvent même pour des motifs où des interêts absolument étrangers aux habitans du paÿs devenu le théatre où se vuide la querelle, assés malheureux déjà par leur position qui les expose à toutes les horreurs inséparables du voisinage de deux armées, et rarement plus menagés par leurs propres trouppes que par celles de l’ennemi. Mais enfin : c’est la loy de la guerre de ne point respecter les propriétés ; loi injuste et barbare, sans doute, mais consacrée par la force et l’usage, et des lors, il faut la suivre. L’officier chargé de sa cruelle exécution, doit se persuader d’abord, qu’il ni [sic] parviendra [p. 30 – la page 29 est vierge] pas sans rencontrer beaucoup d’obstacles, non seulement de la part de l’ennemi s’il peut éventer le secret du projet mais encore de celle des individus contribuables. On devient bien courageux, bien fort, lorsqu’on s’unit pour la conservation de ses propriétés. C’est le peu qui reste, nécessaire au soutien de sa famille, a sa propre existence, qu’on va perdre ; que d’efforts ne doit-on pas faire pour la défendre ! Le commandant d’un tel détachement doit multiplier ses soins et ses précautions en raisons [sic] des risques, sans cesse renaissans, qu’il aura à courir, et c’est a lui qu’il faut, surtout, recommander prudence, vigilence, et activité. 

 

En arrivant au chef lieu indiqué pour la lévée de la contribution ; après avoir pris les precautions d’usage pour sa sureté locale et envoyé des patrouilles battre la campagne, il mettra sa trouppe en bataille sur la place de l’hotel de ville où il ordonnera l’assemblée du magistrat auquel il signiffiera l’objet de sa mission et en haterâ [sic] l’execution par tous les moÿens possibles et que l’humanité autorise.

 

S’il est demontré qu’il ne puisse le remplir dans son entier, et que le tems, ou les circonstances ne permettent pas d’en attendre la perfection ; il emportera tout ce qu’il [p. 31] aura pû rassembler de la contribution éxigée et après avoir pris des termes pour le reste, il emmenéra avec lui des ôtages qui deviendront le nantissement de la fidélité des engagemens. Si cette operation demande un séjour un peu prolongé ; le commandant aura grand soin de loger sa trouppe par compagnies ou piquêts distribués dans un même quartier, et luy au centre ; une sentinelle a la porte de chaque logement avec défense d’en laisser sortir aucun soldat ; il ordonnera continuellement des patrouilles au dedans comme au dehors de la ville, et aura dans sa maison quelqu’uns des principaux habitans en ôtage qui lui repondront de tout ce qui pourroit arriver de la part des bourgeois où des gens de la campagne. Tout attroupement bourgeois sera défendu et dispersé. Tous les officiers seront responsables de leurs troupes, et veilleront a ce qu’elles observent la plus grande discipline. La moindre atteinte portée a l’ordre, peût dans ces cas, produire les plus affreux malheurs. 

 

Je termine cet article en recommandant a tout officier chargé de cette facheuse besogne d’en adoucir l’exécution autant qu’il dependra de lui, sans infraction aux [p. 32] ordres qu’il aura reçû. Il est si doux d’être humain et généreux, lorsque surtout on à [sic] la possibilité de cesser impunement de l’être. Quel homme pourroit être assés cruel pour ne pas se plaire a alléger le poids des fers dont il est forcé de charger son semblable ! Supposons nous toujours a la place du malheureux, et a coup sure, loin de chercher à augmenter ses peines, nous mettrons tous nos soins a en diminuer la somme, tant que cela pourra s’accorder avec notre devoir.

 

La mission achevée, le detachement se retirera dans le meilleur ordre possible, et avec la plus grande célérité, jusqu’à ce qu’il ait quitté le territoire sur lequel il vient de porter la desolation. Arrivé a son armée, il rendra compte de son operation, et remettra les ôtages, s’il a du en emmener.

 

[p. 33]

Des détachemens commandés pour le service du

quartier général, des vivres, des hopitaux, etc.  

Le service du quartier général, celui des vivres où [sic] des hopitaux, peuvent exiger qu’on charge un officier de marcher avec un détachement pour rassembler un nombre de chevaux, et de chariots qui souvent ne peuvent être pris que dans le paÿs occupé ou frequamment battû par des détachemens de l’ennemi ; il est donc alors essentiel d’employer la plus grande circonspection pour remplir une commission aussi délicate ; car oûtre les risques a courir au milieu des trouppes dont on est entouré il faut se garantir du paÿsan toujours prêt à trahir, et livrer s’il le peut, celui a qui l’exécution de tels ordres est confiée ; mais il faut prendre toutes les precautions qui peuvent déconcerter les projets des habitans, et ceux de l’ennemi qui voudroit s’opposer à l’expedition. Voicy ce qu’on peut indiquer pour y parvenir plus surement.

 

Employer (comme on doit toujours le faire) beaucoup de patrouilles pour éclairer sa marche ; n’entrer dans un [p. 34] village qu’après s’etre bien assuré par son avant garde qu’il n’est point occupé par une troupe ennemie ; car fut-elle assés faible pour faire presumer qu’on la batteroit, il est en pareil cas prudent d’eviter un combat qui en donnant l’allarme aux troupes voisines, les rassembleroit et feroit manquer l’operation ; s’emparer des debouchés du lieu, envoyer du monde au clocher de l’église, tant pour être à même de découvrir plus au loin ce qui se passe dans la campagne et en avertir, que pour empecher les habitans de sonner le tocsin et de donner par là le signal à l’ennemi et aux paÿsans des environs. Le commandant, ensuitte avec ce qui lui restera de sa trouppe, ira chez le chef du lieû, ou le mandera, et se fera fournir le plus promptement possible le nombre de voitures et de chevaux dont le village sera susceptible. Son objet rempli, il retirera ses postes et se portera sur un autre village ; ainsi successivement, jusqu’à ce qu’il ait rassemble [sic] la quantité exigée qu’il conduira à sa destination dans l’ordre prescrit pour la marche des convois. 

[p. 35]

Des escortes des convois

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Les éscortes des convois dans nos armées ont assés ordinairement été confiées a des détachemens de trouppes de ligne ; mais puisqu’on à [sic] senti la necessité d’augmenter le nombre des troupes légères, peut-être les employera-t-on dorésnavant quelques fois à ce genre de service. Il est donc indispensable d’en connoitre les devoirs pour s’en bien acquitter. Un officier qui commande l’escorte d’un convoi doit observer dans la marche, et même plus strictement encore, les regles établies dans celle d’un détachement qu’il conduiroit a la guerre, c’est-à-dire, de s’éclairer soigneusement par des patrouilles, et de garder les flancs de sa colonne. Il doit partager sa troupe en trois divisions, la premiere marchant a la tête du convoy sera precedée d’une avant garde ; la seconde sera placée au centre, et la 3eme a la queüe, suivie d’une arriere garde. 

 

[p. 36] Il aura grand soin d’éviter toute lacûne dans la file du convoi, et comme l’inégalité du pas des chevaux ou quelqu’accident, rompt souvent cette file ; il fera immédiatement faire halte a la tête pour resserrer les intervalles. Plus sa colonne sera serrée, moins sa ligne de défense aura d’étendüe ; et consequemment plus il aura de facilité, en cas d’attaque, a en garantir tous les points. C’est sur la maniere plus où moins prompte et prevue dont il sera attaqué, et d’après la position du terrein qu’il occupera en ce moment, qu’il reglera ses moyens de defense qui ne peuvent jamais être que relatifs ; ainsi on ne prescrira aucune règle positive, puisqu’aucune ne peut s’adapter a la fois aux differentes circonstances. C’est aù [sic] génie et à l’expérience du commandant d’un tel détachement à y suppléer. 

 

[p. 37]

Des enlevemens de personnes

suspectes a la guerre

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Le général peut avoir des raisons de soupconner certaines personnes de nuire à ses opérations, soit par leurs correspondances soit par leurs liaisons avec les ennemis ; alors un officier peû accompagné, où suivi d’un détachement, si on le croit necessaire, est chargé de se saisir de la personne désignée. Il doit d’abord, se conduire avec toute la prudence et le secret que la circonstance exige, pour dérober la connoissance de son projet, afin que celui qui en est l’objet n’en puisse être instruit, et s’echapper. Quelques fois la personne suspectée a une grande éxistence, et quelques fois même, elle peut être innocente : ainsi l’officier a qui ce triste ministère est confié ne peut mettre trop de douceur et d’honnetété [sic] dans la maniere de le remplir.

 

Je borne là cet article que j’aurais même pû passer sous silence, si je ne m’étais imposé la loy [p. 38] de ne rien obmettre de tout ce que ma mémoire me rappellerait relativement au service des troupes légères à l’armée. Je crois avoir a peû près prevû tous les cas ; et mon objet sera rempli si le jeune homme qui se destine à ce métier pénible, mais interessant, satisfaisant pour l’amour propre, et le seul service à la guerre où l’on puisse continuellement appliquer la théorie à la pratique ; en me lisant avec attention, se pénètre bien des principes essentiels de son état ; et sans la connoissance desquels il ne pourroit jamais qu’agir machinalement, d’une maniere vague et incertaine, et commettre des fautes dont malheureusement les suittes funestes ne se bornent pas toujours a être personnelles. 

[p. 39]

De l’équipage d’un officier de trouppes

légères à l’armée

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Comme un corps de trouppes légères doit avoir la facilité de se porter partout avec la plus grande célérité, sans être géné dans sa marche par un train de voitures qui la retarderait et l’embarasseroit nécessairement ; il est essentiel que chaque officier attaché à ce service se borne au plus stricte nécessaire dans la composition de son équipage. Douze chemises suffisent pour être toujours propre, avec une quantité proportionnée d’autre linge et de hardes de rechange à son usage ; de maniere à pouvoir renfermer le tout dans un porte manteau de cuir chargé sur un cheval de suite, ainsi que les cantines. L’officier de cavallerie légère aura soin de composer son écurie de bons chevaux, capables de résister a la fatigue, sages, bien dréssés [p. 40] et fort lèstes. Le nombre en sera, sans doute, dans chaque grade, déterminé par les ordonnances de campagne.